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Jane Austen : la reine des lettres anglaises
Orgueil et préjugés, Raison et sentiments, Emma et Northanger Abbey, quel auteur, de surcroît une femme de l’ère géorgienne, peut ainsi se targuer d’avoir, en quelques années d’écriture seulement (Jane Austen est morte à l’âge de 41 ans), autant frappé son époque, l’histoire de la littérature, et des générations de lecteurs ?
Des écrits de jeunesse...
Jane Austen naît en décembre 1775 à Steventon, village désormais bien connu, grâce à elle, du Hampshire – comté anglais situé sur les côtes sud du pays, en face de l’île de Wight – dans une famille de la gentry, modeste mais cultivée. Elle est la septième d’une fratrie de huit frères et sœurs. Son père, George Austen, recteur de la paroisse anglicane de Steventon et précepteur, ainsi que sa mère, incitent leurs enfants à la lecture, aux jeux de théâtre et d’improvisation divers. Ce contexte stimule l’imagination et la créativité de la jeune Jane, vraisemblablement dotée d’un sens de l’observation aigu. C’est ainsi que l’on retrouvera plus tard, dans ses fictions, les paysages de la campagne anglaise et ses mœurs, de mêmes que les villes de Bath et de Londres où elle se rend occasionnellement.
Pendant ses années d’adolescence, dès 1787, Jane Austen s’essaie donc à l’écriture. Ses proches connaissent l’importance de ces manuscrits que la jeune fille garde sur elle et dont elle poursuit la rédaction, sur un papier standard acheté dans les magasins des environs de chez elle, dès qu’elle en a l’opportunité. Des saynètes, des nouvelles, de la prose aussi bien que de la poésie : tous les genres semblent l’intéresser. Elle s’essaie même à la parodie dans le fameux History of England (Histoire de l’Angleterre) illustré par sa sœur Cassandra – le manuscrit est désormais conservé à la British Library. Elle réalisera plus tard des mises au net de vingt-sept de ces textes (datés de 1787 à 1793), dans trois carnets reliés aujourd'hui connus sous le nom de Juvenilia et conservés dans les collections de la British Library (Londres) et de la Bodleian Library (Oxford). Love and Freindship (Amour et Amitié) un conte épistolaire, est sans doute le texte le plus connu de cet ensemble. Love and Freindship est dédié à « Madame la Comtesse de Feuillide », c'est-à-dire à Eliza Hancock, sa cousine germaine, qui aurait aussi inspiré le personnage de Lady Susan. Il est possible que certains de ces écrits de jeunesse aient été rédigés afin de divertir la famille de Jane Austen, lors de sessions de lecture à voix haute.
… à la rédaction de Lady Susan
Le roman Lady Susan aurait été écrit quant à lui au début des années 1790, et mis au net à Bath en 1805. On ignore si cette version fut envoyée aux éditeurs, et si Jane Austen envisageait de la faire publier. Lady Susan est considéré par les critiques comme le premier roman important de la série de fictions écrites par Jane Austen et toutefois, ce sera un succès posthume, redécouvert seulement en 1871, lors de la deuxième édition de la biographie A Memoir of Jane Austen (Souvenirs de Jane Austen) signée par son neveu James Edward Austen-Leigh. La romancière s’y essaie au genre épistolaire, sans doute influencée par sa lecture des Liaisons dangereuses – Eliza de Feuillide, qui vécut en France pendant quelques années (de 1779 à 1790), lui aurait-elle vanté les mérites de l’ouvrage culte de Pierre Choderlos de Laclos ? (Les Liaisons dangereuses parut en 1782 et fut traduit pour la première fois en anglais en 1784)*. Après Lady Susan, Jane Austen s’attelle à la rédaction de Elinor et Marianne, qui deviendra Raison et sentiments.
Une vie consacrée à la création littéraire
Les éléments biographiques de Jane Austen demeurent peu nombreux. Sa sœur Cassandra, dont elle était très proche, aurait notamment détruit une partie de sa correspondance, dans le souci de préserver son intimité. Les proches de l’écrivain s’accordaient toutefois à louer son tempérament calme et agréable, en dépit de l’esprit satirique qui ne manquait pas de s’exercer dans ses fictions. Et malgré les thématiques récurrentes de ses livres, l’amour et le mariage, Jane Austen restera célibataire. Sa rencontre avec l’Irlandais Thomas Langlois Lefroy, lorsqu’elle a vingt ans, entre fin 1795 et début 1796, est souvent évoquée par les historiens comme un événement marquant. Mais cet amour de jeunesse ne se solde pas par un mariage, les familles des deux jeunes gens s’y étant sans doute opposées pour des raisons financières. En décembre 1802, Jane accepte une proposition de mariage émanant du frère de ses amies Alethea et Catherine Bigg, pour l’annuler presque aussitôt. Le mariage de raison lui paraît impossible…
D’un succès tempéré par l’anonymat...
Entre 1796 et 1797, Jane Austen met le point final au roman Orgueil et préjugés. La famille Austen est sous le charme de ce texte plein d’esprit. Son père l’envoie à Londres afin de le faire publier, mais il est refusé par Thomas Cadell – libraire anglais du XVIIIe siècle qui a publié les œuvres de la plupart des écrivains célèbres de l’époque. Entre 1801 et 1809, la stabilité de la famille est perturbée – déménagement à Bath dans le Somerset, puis décès de George en 1805. Encouragée par ses frères, diplômés d’Oxford, la jeune femme tente à nouveau de démarcher des éditeurs et cette fois, Raison et sentiments retient l’attention de Thomas Egerton, qui l’édite en novembre 1811. Le nom de Jane Austen n’apparaît pas encore auprès du public, le livre est anonyme, les publications sont supervisées par son frère Henri. La critique est élogieuse : Egerton fait ainsi paraître Orgueil et préjugés un peu plus d’un an après. Suivront Emma et Mansfield Park. Le succès est au rendez-vous mais son anonymat l’empêche d’accéder à la gloire. Toutefois, les romans de Jane Austen sont lus jusqu’à la cour du futur roi Georges IV et elle est encensée par Sir Walter Scott. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, grâce à son neveu, que le nom de Jane Austen résonne enfin auprès du grand public à la mesure de son immense talent.
… à la gloire posthume de Jane Austen
La jeune femme entame la rédaction de Sanditon en janvier 1817 mais ne le terminera jamais. Probablement atteinte d’une maladie rare – Addison disease – Jane Austen voit sa santé décliner rapidement au cours des premiers mois de l’année. Elle disparaît en juillet, à Winchester – également dans le comté du Hampshire. Son frère Henri révèlera son identité au public et aux lecteurs après sa mort.
* Lady Susan a fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 2016 par Whit Whitney Stillman, réalisateur américain connu pour son film Metropolitan. Cette adaptation, qualifiée de comédie romantique porte le nom de Love and Friendship. Lady Susan est incarnée par l’actrice Kate Beckinsale.
Crédit : James Andrews de Maidenhead (domaine public).